Chapitre 17 – Un peu gris


21 janvier  2025 – 22 h 17

La semaine dernière, j’ai parlé d’ennui. Depuis, j’ai pu bénéficier de quelques soirées non alcoolisées pour étudier ce sentiment, qui semblait plus grand que le mot en lui même. Je réalise qu’il y a quelque chose de plus profond à l’ennui lorsqu’on explore la sobriété.

C’est après quelques soirées assises sur mon tabouret pas confortable à faire tout et rien à la fois que j’en suis venu à la conclusion que l’ennui était une conséquence de quelque chose d’encore plus grand. Depuis le 26 décembre 2024, je cherche à combler mes soirées d’une nouvelle passion, d’apprentissage, d’expériences enrichissantes. Par contre, je n’ai pas pris le temps de vraiment me poser la question essentielle : d’où venait cette envie, d’où venait ce besoin de me servir une coupe de vin dès mon retour du travail ? Ce n’était pas la quête d’une passion, d’apprentissage ni d’expériences enrichissantes. 

Lorsque je rentrais du travail, j’avais un profond besoin de prendre du temps pour moi. C’est ainsi que je le nommais. C’est donc assis devant la télévision, une coupe de vin à la main, que je rechargeais mes batteries avant d’attaquer les tâches quotidiennes du soir. Parfois, il me suffisait d’un seul épisode. Parfois, je me rendais à trois coupes de vin et plusieurs péripéties de personnages de télévision avant de sentir le petit regain d’énergie qu’il me fallait pour vider ma boite à lunch.

Je ne veux pas insinuer que j’étais lâche. À ma défense, je tentais de composer avec le stress quotidien relié à la vie d’adulte, un emploi qui banalise et valorise la surcharge de travail et un restant de burn-out pas traité que je trainais depuis l’Université. 

C’est vrai, que j’avais besoin de repos. Je me reposais de la seule façon que je connaissais, de la seule façon que je connais. 

Je ne suis donc plus certaine que c’est vraiment l’ennui qui m’habite les jours de semaine, entre 16 h et 20 h. C’est plutôt un sentiment d’ambigüité face à un repos que je ne sais plus comment m’accorder, que je ne me suis jamais réellement accordé. 

Je n’ai jamais vraiment appris à prendre soin de moi. Mon point dans le dos qui élance sur mon petit tabouret sans dossier constitue, selon moi, une preuve évidente de mon incompétence. 

Ce n’est pas que je ne sais pas comment prendre soin de moi. Comme tout le monde, j’ai entendu parler des bienfaits de la méditation, du yoga, du bain chaud, du sport, etc. Par contre, quand tu es habitué à prendre soin de toi sans effort (mis à part un arrêt à la SAQ), tu ne sais plus trop où aller puiser cette force-là. Du moins, pas après une grosse journée qui t’a amené à dépenser une bonne partie de ta réserve d’initiative. Tu te retrouves donc dans ta cuisine à attendre miraculeusement que ta jauge de joie de vivre se remplisse d’elle-même pour commencer le souper. Mais ça n’arrive pas. Et tu te rends vite compte que les activités qui te faisaient autrefois plaisir te semblent un peu grises. 

Je trouve que tout est un peu gris. Mais avant, tout était trop rouge

Je me sens un peu grise, mais je sais que je vais voir de belles couleurs bientôt. Le seul hic, c’est que je ne sais pas comment les dessiner, que les crayons semblent un peu lourds et que j’ai mal aux poignets.