Chapitre 12 – Un vin de cuisson à 18,50 $


9 janvier 2025 – 17 h 49

Vers 16 h, j’ai reçu un message texte me demandant si je voulais bien me joindre à un souper de fondue. Le repas qui se mange cuisson de morceau par cuisson de morceau, laissant place à des minutes de dégustation de vin entre chacun. En guise de réponse, j’ai fait un petit coup de volant, direction la triste étagère de vin sans alcool de la SAQ. 

Sans grande surprise, j’ai pu vivre un dilemme face à l’immense collection de trois bouteilles de vin rouge qui allaient, de toute façon, probablement gouter autant la déception les unes que les autres. J’ai donc profité de la vague de changement qu’apporte la sobriété pour m’emparer d’un vin blanc sans alcool. Après tout, on change ou on ne change pas ! 

Le trajet en voiture jusqu’à mon rendez-vous chez le docteur de cou soulageur de migraine fut pénible. Un étrange mélange entre la recherche de stratégie pour boire et ne pas boire. Difficile de me l’admettre, mais je conduisais la gorge serrée et les papilles gustatives confuses qui réclamaient une coupe de la bouteille de vin qui m’attendaient sur la table de cuisine de mes hôtes. 

Comble de la détresse, je me suis présentée à un rendez-vous qui n’était finalement pas le mien, comprenant que le bouton de confirmation m’avait probablement échappé. Heureusement que mon copain avait cédulé un rendez-vous suivant mon rendez-vous qui était en fait le rendez-vous d’une autre. Ainsi, j’ai pu lui annoncer que ma migraine de trois jours me faisait gagner le concours de celui qui en avait le plus besoin. Il était hors de question que je repasse une soirée sans alcool sans pouvoir me dire qu’au moins, je n’allais pas avoir mal à la tête le lendemain. 

Cette séance de douleur qui faisait du bien après coup m’a permis de prendre des forces pour le souper en longueur qui s’en venait. Le souper qui seulement en y pensant, me donnait envie de boire une coupe de vin pour survivre au fait que j’allais devoir annoncer que je n’allais pas prendre de vin. Pas ce soir, ni demain. Une annonce que je devais faire avec fermeté pour éviter les « t’es sur ? » entre chaque service, mais avec non-chalence pour éviter une enquête sur de potentiels problèmes drastiques qui auraient pu me conduire à une décision si drastique. Le tout accompagné d’un sourire qui doit refléter une sincérité et une paix d’esprit que je n’ai pas connu depuis je-ne-sais-quand. 

Le second coup de volant m’a conduit au dépanneur près de chez moi, voulant m’offrir une gâterie plus savoureuse que le vin un peu trop cher qui était probablement en train d’aérer. Après deux trois tours de rangée non fructueux, je suis retournée à ma voiture prête à décorer mon volant de tâche de doigt orange aux crottes de fromages qui goutent beaucoup moins bon que dans mes souvenirs. 

Tout ça avant de faire mon annonce et voir la bouteille de vin qui m’était offerte, la même qui était samedi dernier devenue un vin de cuisson. Quelle ironie qui fait mal. 

Chapitre 11 – Beethoven


8 janvier 2025 – 16 h 36

Le 6 janvier 2025 fut le jour où j’ai reçu mon piano. Malgré une migraine qui me collait aux talons depuis l’heure du diner, c’est avec excitation que j’ai déballé toutes les boites contenant un morceau de ma nouvelle passion. C’est sans prendre la peine d’installer mon piano à un endroit stratégique et esthétique que je me suis installée au beau milieu de la salle à manger. 

J’étais prête. 

J’ai ressorti un tutoriel de pianiste du dimanche consulté dans les jours d’attentes pour entamer le premier exercice que j’avais déjà pratiqué en tapotant mes doigts sur l’ilot de ma cuisine. C’est en contenant mon impatience que j’ai commencé, me balançant de droite à gauche sur mon petit banc neuf comme le ferait un véritable artiste enivré par sa mélodie comme je l’étais par ma coupe de vin.  

Le premier exercice a mis en scène ma main droite, prête à danser avec nouvel ami. Même si la synchronisation n’était pas au rendez-vous, je me répétais qu’il n’y a rien que la pratique ne peut arranger. C’était jusqu’à ce que ma main gauche prenne le relai. La pauvre. 

Le gars du tutoriel m’avait bien prévenu, le petit doigt et son acolyte à côté, ils ont de la misère à se séparer. Il avait raison, sauf que les miens, c’est pire qu’une petite misère. Mon petit doigt et mon annulaire vivent une relation de codépendance qui embrasse la toxicité. Évidemment, je ne me suis pas laissé décourager par ce petit imprévu. Ma persévérance avait grandi au rythme des heures d’attentes à actualiser le site de Puralator. 

Après des minutes qui m’ont semblé des heures, j’ai réussi à faire l’exercice de façon fluide tout en reprenant mon balancement d’artiste. Au moment de coordonner mes deux mains, mon manque d’adresse était semblable à Joey dans Friends qui essaie de parler français. Un désastre total, comme si nous n’avons pas répété ces mouvements depuis la dernière heure.  

Je me suis donc retrouvée sur mon petit banc neuf qui ne balançait plus à maudire ma main gauche. C’est en la regardant pour mieux l’haire que j’ai senti une bouffée de compassion pour cette main maladroite qui essayait tant bien que mal de faire ce à quoi on s’attend d’elle. C’est dans une caresse de ma main droite que j’ai dit à main gauche qu’elle avait bien travaillé, et que j’ai laissé le contrôle de ma soirée à ma migraine qui luttait pour me border dans mon lit. C’est dans mon lit que j’ai poursuivi mon analogie anatomique, donnant l’amour et la compassion que j’avais oublié de me donner à ma main gauche. 

Chapitre 10 – Migraine


7 janvier 2025 – 20 h 22

Une chose que je me suis dite pour me réconforter face à ma nouvelle vie sans liqueur spéciale, c’est que les Hangover étaient dernières moi. Je n’en avais pas souvent, par contre, me limitant pratiquement toujours à une demi-bouteille de vin rouge. Par contre, sur Tiktok, il mettait l’accent sur cet aspect de la sobriété, que je me suis appropriée pour faire partie d’un tout. 

C’est donc avec cette approche optimiste que j’ai vu s’approcher le Jour de l’an. Je vais peut-être avoir un peu moins de fun que tout le monde, mais le lendemain, par exemple ! Je serai fraiche et pimpante comme une jeune gazelle. 

Ce ne fut pas le cas. Le 27 décembre 2024, j’ai vomi tout ce qui était possible de vomir de mon corps. Le 27 décembre 2024, j’ai commencé la pire gastro de mon existence. Je me souviens du son que faisait mon âme quand je me suis retrouvé recroquevillé en position foetale en essayant de comprendre quel genre de démon avait envahi mes intestins pour me faire souffrir autant. 

Bref, la misère s’est poursuivie jusqu’au 31 décembre 2024. Bien que je pouvais me consoler en me disant que le pire était derrière moi, je retenais quand même un petit haut-le-coeur en pensant à la soupe poulet et nouille que j’allais encore devoir manger au souper. C’est ensuite après le décompte de minuit, coucher au sol pour faire croire à mon dos qu’il n’avait pas si mal que ça, que j’ai souhaité une bonne année à ma mère avant d’aller me coucher. Pendant que tous mes amis créaient des souvenirs. 

Je dois avouer que ma gastro fut quand même un mal pour un bien. Je redoutais fortement la soirée du 31 décembre, AKA jour 6 de sobriété. Surtout depuis l’épisode des boulettes promettant une dégustation incroyable de produits et d’amour. Elle m’a donc offert un ticket « on se reprend une prochaine fois ». 

Sur ce, une fois la gastro passée, j’étais prête à embrasser la santé promise par la sobriété. En attente de ma peau rayonnante, d’un optimiste nouveau et d’une énergie renouvelable sans caféine, j’ai entamé l’année 2025 prête à oublier ces jours difficiles. 

On se retrouve donc le 6 janvier 2025, avec une surprise de Purolator : mon piano était arrivé. S’est après m’être étiré les doigts et avoir écouté quelques tutoriels sur YouTube que mon Beethoven du lundi s’est retrouvé dans son lit, la lumière fermée, du Tiger Balm sur les tempes et un sac de glace derrière la tête. Migraine. Misère. 

Une partie de ma soirée fut donc siphonnée par une céphalée de tension. Celle de ce soir aussi. Ce qui est ironique, c’est que dans ma carrière de Femme de vin, les migraines et les vomissements étaient rares. Très rare. Du moins, rien comparé à mon historique depuis ma démission de boisson. 

En conclusion ? Je ne sais pas. Mais il faudra attendre encore un peu avant d’invoquer Beethoven de nouveau.