2 février 2025 – 16 h 17
Pour suivre ma progression dans le chemin de la sobriété, j’ai téléchargé une application qui compte les jours pour moi, tout en m’attribuant des badges de dopamine pour souligner les étapes que je franchis. En plus de compter les jours, je lui ai demandé de calculer les économies que je faisais maintenant que je n’accompagnais plus mes soirées de coupes de vin rouge. Au Jour 0, mon portefeuille était un élément motivateur pour franchir le cap crucial des premiers. Après tout, il faut bien le payer, ce voyage dans les montages du Pérou.
Bref, selon mon application, je suis maintenant à 380 $ d’économies. Si on soustrait mon piano, le thé, mes patins, et tout ce qui se rattache à ma quête de passion, je ne sais plus si on peut parler d’économies. Par contre, c’est certain que c’est plus constructif de me dire que mon argent a été investi dans des loisirs plus nobles qui ont meublé au moins trois grosses soirées de mon existence. Cela étant dit, je ne peux nié avoir un petit côté impulsif, qui se faisait soulager par des arômes d’aromatique et charnu. Dans tous les cas, ces petits investissements se voulaient un petit un coup à donner pour investir dans ma nouvelle personnalité libre. Je me disais donc qu’au fil du temps, tout cela aller se rééquilibrer.
Récemment, j’ai toutefois été confronté au deuil d’un portefeuille plus garni. Et je ne parle ici des tarifs douaniers de Donald Trump. J’ai naïvement cru que d’arrêter l’alcool, c’était vraiment d’arrêter de boire, mais accompagné un bon repas d’un bon breuvage, c’est le fun, et le thé, ça ne fait pas des miracles non plus. J’ai donc redoublé d’ardeur dans ma quête de produit désalcoolisé pour me permettre de profiter des mêmes petits plaisirs de la vie qu’avant, hangxiety en moins.
C’est dans cet élan que je me suis présentée, hier après-midi, dans ma microbrasserie préférée appelée par leur nouvelle publicité invitant le public à venir essayer leur nouvelle bière sans alcool. Pour mettre en contexte, on était le 1er février, le premier jour du défi 28 jours sans alcool. J’étais donc vraiment excitée de retrouver des bribes de mon ancienne vie. Tout était loin d’être négatif avec l’alcool, et les soirées en microbrasserie faisaient souvent partie des beaux souvenirs.
C’est avec un optimiste nouveau que j’ai arpenté les rues d’un quartier qui m’avait manqué. Un petit arrêt dans une boutique de thé plus tard, je croisais une pancarte indiquant « tout pour l’apéro, du vin jusqu’au fromage ». Comme le quartier inspire les produits du terroir et les belles résolutions, j’ai décidé d’aller jeter un œil, pour rapidement me rendre compte que le tout pour l’apéro était de la fausse publicité. J’allais devoir retourner choisir entre les deux seuls vins rouges désalcoolisés de la SAQ. J’ai toutefois repris la route, m’accrochant à mon objectif principal de la journée : la sure framboise gingembre.
Arrivée sur place, j’ai dû attendre un peu trop longtemps pour deux menus différents. Un premier pour le groupe, et un second parce que la serveuse ne pouvait me parler des produits désalcoolisés et du produit pourtant mis en vedette. Les bières sans alcool occupaient une petite section dans un menu à part. À part, un peu comme moi. Le même menu que j’avais. Autrefois jugé parce qu’il contenait la carte de cocktails, et je me disais « qui peut bien aller en microbrasserie pour boire un cocktail ». J’étais maintenant celle de « l’autre menu ».
Ensuite, j’ai vu ma table recevoir leur bière en fut, et même leur entrée, avant ma bière en canette. Même chose pour la table derrière moi, arrivée après nous. J’ai finalement décidé de me lever, pour comprendre que ma bière 0,0 % n’avait pas été commandé. Je comprends, des oublis, ça arrive. J’ai donc recommandé ma bière, pour recevoir un peu plus tard une bière en canette qui n’était pas celle que je voulais. La serveuse a rapidement versé le quart de la canette que je ne voulais pas dans mon verre, déposant les deux morceaux de mon apéro sur la table. Je ne m’attendais pas à ce qu’on me chante la sérénade pour s’excuser de l’attente, mais un regard ou la bonne commande, ça aurait été apprécié. Sachez d’ailleurs que je viens d’une famille de cuisinier. La restauration, je respecte ça, et j’ai comme mot d’ordre de ne jamais être la cliente la désagréable. Je me suis donc dit que je pouvais prendre ma sure framboise gingembre pour apporté, et gouté celle qui flottait dans le verre devant moi. Après tout, je pouvais moyennement me permettre d’attendre un autre 20 minutes pour ma consommation, quand ma table s’approchait de plus en plus de la facture. Toutefois, ce n’est pas tous les produits désalcoolisés qui sont bons, et celui-là en était la preuve.
C’est donc gêné que je suis retournée voir la serveuse pour lui dire qu’elle m’avait apporté l’autre bière sans alcool, celle d’une microbrasserie invitée. Elle m’a donc donné la bonne canette, et je suis retournée à ma table pour constater que je n’avais pas de verre. Il était toujours occupé par l’autre sure. En quelques gorgées, j’ai vidé le verre pour finalement apprécier la bière que je voulais depuis ce matin. Je n’ai pas été déçu d’ailleurs, elle était bonne. L’avoir reçu en même temps que tout le monde, n’avoir pas eu a demandé « l’autre menu », je me serais peut-être senti comme tout le monde, comme avant. Quand j’ai dû argumenter avec la serveuse pour ne pas payer la bière que je n’avais jamais demandée, insinuant que j’aurais dû ne pas vider le verre et boire directement dans la canette, je ne me suis pas sentie comme avant. J’ai compris que je ne me sentirais plus jamais comme avant.
Je m’en suis voulu. Je m’en suis voulu de n’avoir jamais écouté la petite voix dans ma tête qui me disait qu’elle n’avait pas vraiment envie de boire, mais que je le faisais quand même. Je m’en voulais d’avoir tout bu l’alcool que j’aurais pu boire aujourd’hui.
C’est ce qui est le plus difficile, quand on arrête de boire. Il faut tout changer. Je n’étais pas prête à autant changer, et à ce que tout change autant.
Désalcoolisé ne devrait pas rimer avec démoralisé.