15 janvier 2025 – 18 h 18
Lorsque j’ai pris la décision de sauter dans le train de la sobriété, j’avais anticipé un certain nombre d’épreuves : les annonces, les soirées entre amis, les soupers de famille, et j’en passe. J’avais anticipé beaucoup de choses, sauf le fait que j’allais baisser ma garde plus les jours allaient avancer. C’est peut-être l’accumulation de victoires ou le fait de penser un peu moins au nombre de jours que j’ai passés sans alcool, mais je me sentais forte.
Le petit mardi soir d’hier, je l’ai trouvé tough. Pourtant, ça faisait une semaine déjà que la routine avait repris. Un semblant de routine, c’est vrai. J’avais occupé ma vie pour ne pas m’occuper la bouche de vin. Hier soir, c’était une soirée où je n’avais rien prévu, mis à part du repos.
C’est dur, de se reposer, quand tu ne sais plus comment te détendre sans une coupe de vin. J’ai essayé de faire autre chose, mais le piano était trop dans le chemin, le thé était soudainement trop long à préparer, le garde mangé trop vide pour avoir envie de cuisiner… Bref. J’ai essayé d’aller marcher, mais les chiens jappaient trop. C’était gênant, pas relaxant. J’ai pris un bain, mais il y a quelque chose qui m’écœure dans le fait de baigner dans mon jus. Quand il y a les bulles, j’avoue que c’est divertissant, mais elles ne restent pas longtemps. Quand t’es capable de te voir tout nu, couché, pas gracieux, t’as fait le tour.
C’est donc après avoir fait le tour du bain, de ma maison, de ma tête et de mes options, que je me suis dit que dans le fond, ce n’était pas si grave, une coupe de vin. Que ce n’est pas juste nuisible, ça l’a du bon. C’est vrai que les retours de journée difficile se faisaient mieux. Une petite coupe, une petite série et c’est reparti. Bon, ce n’était peut-être pas constructif, mais je n’avais pas la sensation que j’ai en ce moment dans le haut de mon corps. L’impression d’être un peu fâché, d’être irrité. Comme si j’étais pogné dans le trafic et que j’étais attendu quelque part. J’aimerais que ça avance, mais ça n’avance pas. Il faudrait que ça avance, mais ça n’avance pas. Le vin sans alcool, c’est un peu le raccourci que tu prends pour éviter le bouchon qui te rattrape finalement la rue d’après. Tout aussi irritant, voir un peu plus, parce que t’as fait une manoeuvre semi-dangereuse pour faire demi-tour et quitter la file qui n’avance pas pour rejoindre l’autre file qui n’avance pas plus.
J’ai envie de vous dire que je me suis concentrée sur tout le positif que ma sobriété nouvelle m’apporte, et que j’ai changé le mood de ma soirée, reprenant la quête de ma nouvelle personnalité accompagnée de passion. Ce ne fut pas le cas. Je me suis couchée avec le sentiment d’avoir mis ma soirée à la poubelle, d’avoir acheté un piano pour rien, de ne pas être à la hauteur de rien.
La veille, j’écrivais un chapitre sur la colère. Sur la colère qui te transforme quand t’as bu. Ce soir, je n’ai pas bu, et pourtant je ressens de la colère.
Je me sens pris dans le trafic, et ça avance pas assez vite. Je n’avais pas anticipé ces longueurs, je n’avais pas anticipé l’ennui.
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