5 janvier 2025 – 00 h 03
Je pense qu’il n’y a rien de plus hypocrite que quelqu’un qui essaie de se convaincre qu’il n’a pas problème. Après m’être bombardé le crâne de Sober Tok, mon petit hamster à poursuivit sa virée folle au travers de mes neurones déjà tendus.
Le lendemain, j’avais un peu de bénévolat à faire chez des amis. En vue d’un évènement, il fallait préparer de la nourriture pour les bénévoles et les artistes. Fidèle à moi-même, je suis arrivée trois heures en retard. À ma défense, je devais absolument faire une tournée de libraire pour trouver le roman de Stéphanie Braquehais racontant son expérience personnelle de sobriété. Évidemment, je me devais de trouver ce livre qui avait pour essence d’être le moteur de mon développement personnel et spirituel. Ce livre serait le chapitre 1 de mon histoire inspirante.
C’est donc bredouille que je me suis présentée pour mon bénévolat, un trophée de plus de mes victoires sur Amazone. Sur place, je connaissais tout le monde. Ils s’activaient comme de petites fourmis dans la cuisine et roulaient des boulettes à profusion. Ils se motivaient en alternant une gorgée de cidre et une petite pincée de farine en roulant au rythme de chanson folk québécoise. Une petite bouffée d’amour a envahi mon coeur. Une petite bouffée d’amour que j’ai voulu sortir, comme à l’habitude. Une petite bouffée d’amour qui est resté coincé dans ma gorge, qui a fermenté et qui a pétillé bizarre. Je me suis retrouvée à rouler des boulettes aussi vite que ma langue. Pas parce que je voulais me retenir de dire une niaiserie. Si vous saviez à quel point j’aurais aimé dire une niaiserie. Non, ma langue roulait au rythme de la boule de mon hamster : dis quelque chose. Soit drôle, soit intelligente. Dit. Quelque. Chose.
Quelque. Chose.
C’est les yeux pleins d’eau que j’ai roulée des boulettes pour un ragout que je n’ai jamais mangé. Des boulettes que j’ai roulées sans rien écouter, parce que je cherchais une excuse pour m’en aller. Pour retourner chez moi, là où la sobriété, c’est cool. Là où la sobriété est synonyme de voyage au Pérou. Là où je n’ai aucune chance de perdre mes amis parce que je n’enchaine pas des canettes de Budweiser et des petites fioles de fort. Là où ce n’est pas si pire, boire une demi-bouteille de vin par jour.
C‘est au travers de cette réflexion que j’ai regagné mon corps au fourneau en train d’essayer doré des boulettes végans sur un rond trop petit pour la poêlonne qui chauffe pas assez. Je me suis sentie ridicule. Ridicule de continuer de faire baigner les fausses boulettes dans l’huile qui ne frétille pas, pendant qu’une autre personne faisait la même tâche que moi, mais avec le bon côté du four. J’aurais bien pu abandonner cette quête (qui ne servait absolument à rien) et céder cette tâche à ma voisine de fourneau. Toutefois, cela signifiait n’avoir plus rien à faire. Cela signifiait de me joindre aux bénévoles qui sirotaient leur verre de vin ou leur verre de cidre sur les divans, en discutant des alcools qu’ils allaient déguster au Jour de l’an. Qu’ils allaient tous se partager au Jour de l’an. Entre deux-trois bouchés de ragout.
J’aurais dit quoi ? Alors je n’ai pas cuit les mêmes boulettes jusqu’à ce que le bon côté du four ait terminé de dorer l’ensemble des boulettes et s’empare des miennes, annonçant mon heure de partir.
C’est donc après quelques accolades, quelques sourires tristes pas forcés, mais menteurs, que j’ai quitté mes amis pour aller pleurer dans ma voiture, pour aller pleurer sur mon divan, pour aller pleurer dans mon lit.
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